ETUDE ANTHROPOLOGIQUE DE LA NECROPOLE
PALEOCHRETIENNE DE L’ABBAYE DE SAINT-VICTOR DE MARSEILLE
MAFART
B.Y. (1980). L'Abbaye Saint-Victor de Marseille, étude anthropologique de la
nécropole des Ve et VIe siècles. CNRS édit., Paris,
320 pp., 133 fig., 231 tabl.
En 600 avant J.C., les Grecs établirent un
comptoir sur le littoral provençal, dans une petite calanque où venait se
jeter un petit cours d'eau, le Lacydon. Douze
siècles plus tard, au même endroit se dresse une métropole commerciale :
Massalia. Les habitants, convertis au christianisme, enterrent leurs morts à
l'emplacement d'une ancienne carrière romaine, près de leur lieu de culte,
l'Abbaye de Saint-Victor.
La nécropole de l'Abbaye de Saint-Victor à
Marseille est datée de la fin du IV° siècle au milieu du VI° siècle après
J.C. Le matériel étudié comprenait 183 squelettes dont 120 adultes, exhumés
lors des fouilles effectuées par G. Démians d'Archimbaud, de 1969 à 1975.
Cette
première étude anthropologique d’une population Provençale avait trois
objectifs :
-
situer anthropologiquement cette population paléochrétienne dans le temps et
l'espace ;
-
en rechercher les caractéristiques démographiques et ethnographiques ;
-
fournir par une étude détaillée de cette série de squelettes d'Homme
moderne, des données de comparaison pour la paléontologie humaine,
l'anthropologie historique et préhistorique.
Très
peu d’études avaient alors été entreprises en France de façon détaillée
pour des populations historiques. Il y avait donc un problème de lacunes à la
fois en terme de données de comparaison mais aussi et surtout au plan méthodologique
et tout particulièrement pour le squelette post-crânien.
La méthodologie que nous avons mis au point alors nous a permis, en maintenant certaines anciennes méthodes ostéométriques et ostéoscopiques, de reprendre dans le détail les variations anatomiques en particulier du squelette post-crânien. Ainsi nous avons proposé des classifications des insertions musculaires, des facettes articulaires normales et surnuméraires. Depuis, de nombreux auteurs ou organismes de recherche anthropologique les ont inclus dans leur méthode d'étude (cas du C.R.A. de Valbonne). Nous avons contribué également à une meilleure connaissance des caractères "discrets".
DONNEES
ANTHROPOLOGIQUE DE LA POPULATION DE SAINT-VICTOR
Du
point de vue anthropologique comme chronologique, cette population s'inscrit
entre les néolithiques et l'Homme actuel, avec des caractères métriques et
descriptifs dans les variations des populations actuelles du pourtour nord de la
Méditerranée (Ampurias en Espagne, Potenzia en Italie).
L’étude
par les coefficients de Penrose a montré que ces populations étaient proche
des populations occupant la vallée du Rhône au Moyen âge. Plus au Nord-Est,
les habitants de Blussangeaux dans le Doubs présentaient des similitudes avec
nos sujets, ce qui pose le problème de l'extension vers le Nord des populations
du littoral méditerranéen.
Ils
mesuraient trois centimètres de moins environ qu'actuellement, mais la
croissance de la stature est un fait récent, apparu au XIX° siècle avec les
progrès socio-économiques.
Les
insertions musculaires sur les pièces ayant un fort dimorphisme sexuel sont
aussi marquées dans les deux sexes. Les efforts physiques semblent donc avoir
été également partagés. Les sujets très musclés sont rares. L'ensemble de
la population a des insertions marqués. Cela est compatible avec des activités
urbaines et portuaires (artisanat, commerces, ouvriers, marins).
ASPECT DEMOGRAPHIQUE ET
ETHNOGRAPHIQUE
Démographie
Plus
du tiers des sujets inhumés à Saint-Victor sont des enfants. Ce chiffre est
inférieur à celui observé dans les populations pré-industrielles. Cependant
les classes d'âge 0 an et 15-19 ans sont sous-représentées.
L’estimation
de l'espérance de vie, estimée à 36
ans à Marseille, est trop optimiste surtout lorsque nous les rapprochons de
ceux de Marseille au XIX° siècle où la durée moyenne de vie était de 30 ans
et 8 mois.
Dans
le Marseille des premiers chrétiens, la mort était omniprésente. Les femmes
mourraient parfois en couche. Nous en avons retrouvé deux, inhumées avec leur
nouveau-né. Les enfants payaient un lourd tribut à la maladie. Au moins un
tiers d'entre eux n'atteignaient pas l'âge adulte.
Ethnographie
La
station accroupie ne devait pas être la posture de repos habituelle. Trois éléments
le montrent : la rareté des facettes surnuméraires du tibia et du talus, la
faible concavité du condyle externe, l'absence de facette rotulienne surnuméraire.
La
composition des tombes semble répondre à certaines règles. En effet, les
hommes sont souvent enterrés seuls et les femmes de préférences avec un
enfant. Deux femmes étaient mortes en couche. Ces cas seront le point de départ
ultérieurement d'une étude de la mortalité maternelle dans les populations
anciennes. Les tombes collectives étaient très nombreuses, regroupant adultes
et enfants. Ces sarcophages, véritables fosses communes, contenaient jusqu'à
20 sujets.
CONCLUSION
Cette première étude n’avait pu être comparative que pour le squelette crânien. En effet, aucune étude exhaustive n’avait été alors réalisée pour le squelette post-crânien. Seules des comparaison ponctuelle pour certains caractères étudiés isolément par d’autres auteurs ont pu être effectuées.
Ces Marseillais des premiers siècles
ressemblaient aux Provençaux sub-actuels dont ils sont les ancêtres, les
invasions barbares n'ont pas laissé de traces anatomiques décelables.
Leur musculature était moyennement développée. Les femmes étaient aussi
vigoureuses que les hommes, les travaux pénibles ne devaient pas leur être épargnés.
L'espérance
de vie était au plus de 36 ans. Les hommes étaient enterrés seuls, les
femmes, avec un ou plusieurs enfants d'âge différents, peut-être une même
famille. Parfois encore, un sarcophage contient un grand nombre de sujets.
Cette première étude anthropologique exhaustive de ce site fit l'objet d'une monographie éditée par le Centre national de la Recherche Scientifique en 1980. Il était alors évident que seule l’étude d’un autre site avec la même méthodologie pouvait donner tout son sens au travail effectué.
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