PALEOPATHOLOGY CHILD

APPROCHE DE LA PATHOLOGIE INFANTILE DANS LES POPULATIONS MÉDIÉVALES PROVENÇALES

MAFART B.Y. (1997).Approche de la pathologie infantile dans les populations anciennes. Actes des 7° journées anthropologiques, Dossiers de documentation archéologique n°20, C.N.R.S. édit, Paris. 265-280. 

Les études paléopathologiques pédiatriques sont rares en raison des difficultés de la démarche diagnostique. Si les restes examinés sont ceux d'un enfant, dans les meilleures conditions de conservation, une recherche de la pathologie doit être tentée. Cependant, à de rares exceptions près, il serait abusif de considérer que la mort du sujet est liée à la pathologie identifiée. S'il s'agit d'un adulte, il faut rechercher les fractures de l'enfance (Mafart, 1991), les stigmates osseux de pathologies pédiatriques, en particulier rhumatologiques, qui permettent de porter un diagnostic rétrospectif.

Nous avons tenté cette démarche en étudiant trois populations infantiles médiévales : Saint-Victor de Marseille (V°-VI°s), 63 enfants, La Gayole (XI°-XIII°s), 20 enfants, Fréjus cathédrale (XII°s), 32 enfants et les séquelles de pathologie infantile non létale chez les adultes de ces populations, de la nécropole du prieuré de Ganagobie (X°-XII°s) et d'une partie du cimetière de l'Abbaye Saint-Pierre de l'Almanarre (XII°-XIV° s).

 

PATHOLOGIE OBSERVÉE SUR LES SQUELETTES D'ENFANTS  

Pathologie carentielle de l'enfant

La malnutrition infantile devait être fréquente dans les populations  anciennes, étroitement dépendantes de l'agriculture car les enfants sont les premières victimes des disettes et famines. Le retentissement osseux est non spécifique pour les marasmes et kwashiokor. Seules les carences en vitamine C (scorbut) et vitamine D (rachitisme) ont une expression osseuse suffisamment particulière pour envisager leur diagnostic.

Le scorbut

Le scorbut infantile associe à des lésions gingivales, une déminéralisation diffuse, un amincissement des corticales, un élargissement et une condensation métaphysaire et des hématomes et appositions sous-périostées. Nous n’avons retrouvé de vraies appositions périostées, compatibles avec le scorbut mais non spécifiques, que chez 5 % des enfants à la Gayole (XI-XIII°s), 3,2 % à Fréjus (XI°-XII°s). Ainsi, nous n'avons pas retrouvé de preuve formelle de la présence de scorbut dans les populations infantiles médiévales provençales. Ceci est en accord avec la rareté reconnue de cette affection en paléopathologie avec seulement 2 observations de probable scorbut infantile décrite.

Le rachitisme carentiel de l'enfant.

Nous avons recherché les incurvations des membres inférieurs, les déformations des côtes (chapelet costal) dans nos séries. Un seul des 52 squelettes d'enfant étudiés (Fréjus) présentait une incurvation des membres minime pouvant faire discuter ce diagnostic. Le rachitisme, s'il existait dans les populations anciennes du Sud de la France, était probablement rare, du fait des conditions de vie des populations.

Cribra orbitalia 

            Le diagnostic de cribra orbitalia est plus difficile chez le jeune enfant dont la cavité orbitaire peut présenter physiologiquement un aspect micro-poreux et seules les formes répondant à la définition de l'adulte doivent être retenues. Nous en avons observé un seul cas parmi 57 enfants ( La Gayole: 0/20, Fréjus: 1/32, St-Victor: 0/5).  Sa rareté dans nos séries témoignerait d'un état de santé relativement bon, à ce point de vue, de la population infantile de nos séries. 

SÉQUELLES DE PATHOLOGIE INFANTILE SUR LES SQUELETTES D'ADULTES

Os Acromial

L'os acromial est défini par la persistance au-delà de 25 ans de la déhiscence  avec le point d’ossification secondaire. Souvent bilatérale, cette anomalie a un déterminisme discuté. Les facteurs biomécaniques seraient prédominants pour les uns, les facteurs génétiques pour d'autres. Il semble prématuré de conclure en faveur de l'un ou de l'autre des mécanismes étiologiques discutés.

Dans les populations médiévales provençales, le taux varie entre 0 et 6,4 % avec une moyenne de 4,9%, valeurs proches de celles des Français modernes.

Les ostéochondroses

Les ostéochondroses sont les affections les plus fréquentes au cours de la croissance osseuse. Elles résultent d'une anomalie de la chondrogenèse et de l’ostéogenèse au cours d'une croissance normale par ailleurs. 

L'étiologie est plurifactorielle, micro-traumatique dans l'enfance, pour une part génétique, liée à des facteurs d'environnement socio-économique. Seule une fréquence anormalement élevée d'une ostéochondrose présente un intérêt à l'échelle d'une population selon son déterminisme génétique ou fonctionnel. Nous présenterons donc les ostéochondroses de hanche et la maladie d'Osgood-Schlatter.

La maladie de Legg-Perthes-Calvé

            L’ostéochondrose de hanche est plus connue sous le nom de maladie de Legg-Perthes-Calvé. Cette affection est plus fréquente chez les garçons (5H/1F). Un traumatisme causal direct ou répété n'a pu être mis en évidence que dans un cas sur cinq et il a été discuté le rôle favorisant des accouchements dystociques mais sans arguments probants à la différence des facteurs précédents.

            Le diagnostic n'est possible en paléopathologie que lorsque la fusion épiphysaire est terminée donc au stade séquellaire chez l'adulte. L'aspect caractéristique de la tête fémorale et du cotyle rend le diagnostic aisé. 

            A Saint Pierre de l’Almanarre à ce stade de l’étude, nous avons retrouvé trois cas dont un bilatéral soit une fréquence de 2 sur 28 moniales. En revanche, un seul cas a été observé parmi les 172 sujets des autres nécropoles. L’origine sociale souvent favorisée de ces femmes ne plaide pas pour des facteurs d’environnement pour expliquer ce regroupement de pathologie. Peut-être faut-il évoquer l’hypothèse que ces affections relativement rares, qui ont pour expression clinique des douleurs articulaires de hanche et

                                 

os acromial                                                                         Maladie de Legg-Perthes-Calvé

une boiterie chez des adolescentes ont été perçues par le milieu familial et social comme délétère pour d’éventuelles maternités et ont conduit à une orientation de ces femmes vers une vie religieuse.

            Le nombre d'observation reste peu élevé. Il n'y a pas de différence significative entre les taux observés dans ces séries médiévales cumulées (3/200) et celui des populations modernes (1/10 000), mais la nécropole de Saint-Pierre de l’Almanarre n'a pas été complètement étudiée (plus de 350 sujets adultes). 

La maladie d'Osgood-Schlatter

La maladie d'Osgood-Schlatter est une fragmentation et un  arrachement de la tubérosité tibiale antérieure secondaires à des microtraumatismes répétés par traction excessive du ligament rotulien donc du quadriceps. Elle touche les enfants ayant une activités physique intense sollicitant particulièrement le quadriceps. L'évolution naturelle se fait le plus souvent vers la fusion des fragments au tibia. Plus rarement, des fragments restent détachés et seuls ces cas pourront être identifiés en paléopathologie avec certitude puisque la tubérosité antérieure est amputée d'une partie de son relief .

            Cette évolution vers la fusion au tibia explique la rareté des cas de l'adulte publiés en paléopathologie.  Dans nos séries nous n'avons retrouvé que 3 cas parmi 201 tibias, ce qui correspond à la fréquence actuelle

Les épiphysiolyses fémorales supérieures

L'épiphysiolyse  est le glissement de la tête par rapport au col fémoral, les micro-traumatismes et les sollicitations mécaniques de la hanche ont, avec des facteurs hormonaux, un rôle déterminant.

Cette affection est rare dans la population actuelle, entre 4 et 8 pour 100 000 cas par an chez le garçon. Nous en avons observé un cas bilatéral à La Gayole sur un total de 200 hanches médiévales provençales ce qui n'a qu'un caractère casuel.

CONCLUSION

La paléopathologie infantile est mal connue. Les lésions observées sur les restes osseux des sujets immatures sont le plus souvent non spécifiques. Parmi les pathologies carentielles, le rachitisme et le scorbut pourraient être diagnostiqués mais aucun cas probant n'a été identifié dans les populations médiévales provençales. L'examen des restes adultes permet de retrouver, outre des séquelles de fractures, des anomalies et pathologies de la croissance osseuse.

            L'os acromial, les ostéochondroses, les épiphysiolyses fémorales, sont liés à des facteurs d'environnement (maladie de Legg-Perthes-Calvé) ou de surmenage biomécanique (os acromial?, Osgood-Schlatter, épiphysiolyse fémorale) qui leur confèrent un intérêt particulier pour l'étude des populations anciennes. Une fréquence anormalement élevée dans une population peut apporter, de ce fait, un éclairage indirect sur l'environnement social et l'activité des enfants. Dans les populations étudiées, l'incidence de ces pathologies ne diffère pas significativement de celle des populations modernes. 

 

Epiphysiolyse fémorale superficielle

La tête du fémur n’est dans le strict prolongement du col

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