MATERNAL MORTALITY HISTORIC POPULATIONS FRANCE

MORTALITE MATERNELLE AU MOYEN AGE EN PROVENCE

MAFART B.Y. (1994).- Approche de la mortalité maternelle au moyen âge en Provence. Actes des 6° journées anthropologiques, Dossiers de documentation archéologique n°17, C.N.R.S.édit, Paris, 207 219. full text

         La maternité est souvent considérée comme une situation à haut risque vital dans les populations anciennes, en particulier lors du premier accouchement. De nombreux travaux existent cependant, tant pour les populations modernes qu'historiques, qui relativisent l'importance du risque encouru par une femme au cours de la grossesse, de l'accouchement et de ses suites. 

       Les populations inhumées posent des problèmes spécifiques et les méthodes épidémiologiques modernes pour évaluer la mortalité maternelle leur sont inapplicables. Nous avons proposé d'utiliser plusieurs indices qui, même s'ils n'ont pas de parallèle aisée avec les données modernes, correspondent à une réalité archéologique, permettant de comparer entre elles ces populations. 

Mortalité maternelle dans les populations modernes

Les deux extrêmes de la vie féconde ont un risque majoré. Les risques les plus importants sont courus par les femmes de moins de 15 ans, et surtout de plus de 35 ans, ceci indépendamment de facteurs individuels éventuellement péjoratifs. 

Dans 80% des cas, le décès maternel est en relation directe avec la grossesse (éclampsie, hémorragie), l'accouchement ( échec du travail, hémorragie) et ses suites (embolie pulmonaire, septicémie ). Les autres causes de décès reflètent le contexte épidémiologique de la population. Les grossesses multiples rendent logique la possible survenue d'une affection létale dans les populations à faible espérance de vie puisque entre 15 et 45 ans une mère de six enfants sera enceinte ou en post-partum (< 2 mois) pendant 16 % de ce temps.

Mortalité maternelle dans les populations historiques modernes

L'âge de la mère a la même influence que dans les populations modernes. La surmortalité des jeunes mères (15-19 ans) est toujours modérée. La mortalité maternelle augmente régulièrement avec l'âge à partir de 20 ans dans les campagnes, moins nettement dans les villes. Le premier accouchement comporte un risque plus élevé (18/1000 contre 11/1000 pour le 2° accouchement) ainsi que les naissances au-delà du 6° enfant (âge moyen de la mère: 36,3 ans au XVIII° s). Compte tenu de la fréquence relative des grossesses en fonction de l'âge de la mère, plus de 50 % des décès surviennent entre 25 et 35 ans. Les primipares et les multipares âgées payaient, comme de nos jours, le plus lourd tribut à la maternité.

Le décès maternel survient dans les suites immédiates de la naissance le plus souvent (< 15 jours dans 66,4 % des cas au XVIII°s). Le destin d'un enfant orphelin à la naissance est alors dramatique avec 16% de décès le jour même et une mortalité double de celles des autres enfants. Enfin, il était parfois pratiqué au XVIII° siècle des césariennes après mort de la mère pour ondoyer l'enfant qui ne lui survivait cependant pas et était inhumé avec elle.

L'existence d'une surmortalité féminine en période féconde est observée aux XVIII° et XIX° siècles. Elle est cependant sans rapport exclusif avec la mortalité maternelle qui n'a pas une importance statistiquement suffisante. L'hypothèse la plus soutenue est une fragilité accrue des femmes du fait de contraintes sociales (alimentation moindre que pour les hommes, confinement favorisant la contagion, travail physiquement éprouvant) associées aux  maternités nombreuses

MORTALITE MATERNELLE DANS LES POPULATIONS INHUMEES

Plusieurs problèmes spécifiques au contexte archéologique (conservation différentielle des ossements selon l'âge et le sexe, mode d'inhumation, ignorance des effectifs des populations) limitent considérablement l'approche de la mortalité maternelle.

Identification des fœtus et des nouveau-nés

Seuls les restes fœtaux ossifiés, donc au-delà de 4 mois in utero, sont identifiables. La discrimination entre fœtus non viable, à terme et enfant âgé de plusieurs semaines repose sur la longueur des os longs à partir des données modernes avec une grande variabilité individuelle poly factorielle (sexe, hérédité, alimentation maternelle, pathologie associée). La limite supérieure de la période néonatale est la fin du 2° mois, sa détermination sur un squelette d'enfant est difficile et doit faire appel au maximum d'éléments (longueur des os, mandibule) qui constituent ainsi un faisceau d'argument.

Identification des femmes décédées en période féconde

Malgré la difficulté à déterminer le sexe de certains sujets et la moins bonne conservation des squelettes féminins, le seul effectif utilisable qui évite les erreurs de détermination de l'âge est celui du total des femmes inhumées à partir de 15 ans qui constitue le groupe des femmes matures. Cet ensemble regroupe des femmes jeunes n'ayant pas procréé, des mères décédées ou non au cours ou à cause d'une grossesse, des femmes ménopausées ou non qui ont survécu à X maternités ou n'ont jamais enfanté quelque soit le motif. Ce groupe ne correspond en rien aux données nécessaires aux études épidémiologiques modernes (femmes de 15 à 49 ans) mais représente la seule donnée archéologique exploitable avec la plus faible marge d'erreur.

Situation archéologique et mortalité maternelle

Seuls les décès simultanés de la mère et du fœtus ou de l'enfant sont susceptibles d'être identifiés comme des décès lors d'une grossesse ou de ses suites. Deux situations archéologiques sont possibles selon que l'enfant est retrouvé associé au squelette du bassin d'une femme ou à proximité immédiate d'un squelette féminin.

Si les os d'un fœtus sont retrouvés lors de la fouille contre le rachis lombaire et les os du bassin d'un sujet probablement de sexe féminin et que le contexte archéologique exclu un remaniement ou une association fortuite (tombe collective), il s'agit probablement d'un décès féminin au cours d'une grossesse ou d'un accouchement.

Si l'enfant ou le fœtus sont retrouvé à proximité immédiate d'un squelette féminin. Cette association est du domaine de la probabilité et s'intègre dans un contexte archéologique prenant en compte la disposition des tombes dans le site, la composition des tombes.

Erreurs par excès et erreurs par défaut

L'association femme-enfant peut être fortuite, moins pour les restes de fœtus mêlés au squelette de la mère, car la fouille permet souvent d'identifier les remaniements post-mortem, que pour les squelettes d'enfant retrouvés simplement à proximité immédiate d'un squelette féminin.

Le risque d'erreur par défaut est le plus grand lorsque le décès de la mère survient après l'accouchement (ou l'avortement). Sa survie, ou son décès tardif, excluent définitivement le diagnostic du décès maternel. 

Ainsi, notre approche de la mortalité maternelle est limitée aux décès de femmes enceintes à partir du 6° mois et d'accouchées décédées avec leur enfant presque simultanément et inhumées avec eux en tombe isolée. La représentativité de ces femmes par rapport au groupe est toujours hypothétique (femmes revenant accoucher dans leur famille, décès au cours d'un déplacement etc.).

Cause des décès des mères

La cause du décès d'une femme au cours de la grossesse ou après un accouchement restera toujours inconnue. Seuls les morts par accouchement dystocique pourront être suspectés en cas d'anomalies osseuses du bassin (bassin rétrécis congénitaux ou acquis) et des restes fœtaux (hydrocéphalie). Malgré l'absence d'anomalie ostéologique, la position du fœtus pourra être évocatrice d'une position défavorable (présentation du siège).

Approche statistique de la mortalité maternelle dans les populations inhumées

L'inadaptation des indices épidémiologiques modernes pour ces populations nous a conduit à proposer des indices qui, même s'ils n'ont pas d'équivalences modernes ou historiques, correspondent à la réalité archéologique et à les calculer pour quatre populations médiévales.

Nous avons étudié la mortalité maternelle dans deux séries provençales (Saint-Victor de Marseille (V°-VI°s) et La Gayole (XI°-XII°s), un cimetière mérovingien du Doubs (Blussangeaux) et une population du sud-ouest de la France (Canac).

Indice de mortalité maternelle en cours de la grossesse

Cet indice est le rapport centésimal du nombre de femmes retrouvées avec un fœtus dans l'abdomen au nombre total de femmes âgées de plus de 15 ans. Il correspond donc à la fréquence relative des décès identifiables de femmes enceintes d'au moins 5 mois (Tableau 1).

Populations

Femme et fœtus

Femmes > 15 ans

Indice

Saint-Victor

1

55

1,8

La Gayole

0

32

0

Blussangeaux

1

50

2

Canac

1

19

5,3

Tous sites

3

156

1,9

Tableau 1 Indice de mortalité maternelle au cours de la grossesse dans 4 populations médiévales.

La valeur plus élevée à Canac correspond aussi au site de plus faible effectif. La valeur moyenne correspond donc à 2 décès pour 100 femmes inhumées de plus de 15 ans.

Indice de mortalité maternelle à terme

Cet indice est défini par le rapport centésimal du nombre total de femmes décédées avec un fœtus à terme dans le bassin ou un nouveau-né inhumé à proximité avec une forte probabilité d'association non fortuite au nombre de femmes de plus de 15 ans. Il correspond à des décès féminins compatibles avec la période de l'accouchement et de ses suites (Tableau 2).

Populations

Femme + fœtus et nné

Femmes > 15 ans

indice

Saint-Victor

3

55

5,4

La Gayole

1

32

3,1

Blussangeaux

2

50

4

Canac

1

19

4,5

Tous sites

7

156

4,5

Tableau 2 Indice de mortalité maternelle globale dans 4 populations médiévales.

Cet indice dépend en particulier du mode de sépulture. Les inhumations en caveau ne permettent pas d'argumenter un lien mère-nouveau né  (2 cas à Canac).

Il peut prudemment être rapproché du taux de décès "en couche" dont la valeur est proche de 9 % dans les populations historiques, en tenant compte de nos remarques précédentes pour les erreurs par défaut, la valeur plus faible de notre indice pouvant s'expliquer par la survie de l'enfant ou son inhumation dans une autre tombe (décalage chronologique ou choix social).

Indice de mortalité fœtale et néonatale

Nous avons défini et indice comme le pourcentage de fœtus et de nouveau-nés (<2 mois) inhumés ou non avec une femme par rapport au nombre d'enfants de plus de 2 mois à 15 ans (Tableau 3).

Populations

Femme et nné

enfants <5 ans

Indice

Saint-Victor

5

62

8,1

La Gayole

1

32

3,1

Blussangeaux

2

60

3,3

Canac

4

34

11,8

Tous sites

12

188

6,4

Tableau 3 Indice de mortalité maternelle foetale et néonatale dans 4 populations médiévales.

Une mortalité in utero et néonatale de 6,7 % est trop faible compte tenu de la mortalité infantile élevée de la première année de vie dans ces populations. L'intérêt de cet indice est de contribuer à valider la représentativité de l'indice de mortalité à terme. Un indice de mortalité fœtale et néonatale non nul sans présence de femmes inhumées avec un nouveau-né est en faveur d'une séparation des corps des mères et des nouveau-nés décédés.

CONCLUSION

Comme l'avait énoncé dès 1975 Calvin Wells, prétendre que les causes obstétricales ne jouent aucun rôle dans la mortalité féminine des populations anciennes serait une grave erreur mais les données épidémiologiques modernes et historiques doivent conduire à considérer les risques de la maternité avec plus de réalisme. Les conditions d'étude des populations inhumées imposent de définir des indices spécifiques permettant de les comparer entre elles et avec prudence aux autres populations.  

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