MAFART B.Y. (1996). Etude
anthropologique des tombes inhumés à l’est des chevets préromans. In
Ganagobie, Mille ans d’un monastère en Provence, Les Alpes de Lumière édit.,
p.214-217.
La
nécropole de Ganagobie a été fouillée par M. Fixot, J.P. Pelletier du
laboratoire d'Archéologie médiévale de l'Université de Provence et nous-mêmes
en 1978 et 1979.
DONNEES
ANTHROPOLOGIQUES
Composition
des tombes
Les
restes osseux humains exhumés correspondaient à 25 individus adultes, en
majorité de sexe masculin (17 hommes, 2 femmes, 6 indéterminés). L'état de
conservation du matériel excluait un sous-représentation des femmes par moins
bonne conservation du squelette. Il s'agit bien d'une des caractéristiques de
ce site. Par ailleurs, les deux squelettes certainement féminins ont été
retrouvés dans la tombe 17 qui contenait au moins 6 individus.
Age
au décès
Le
sujet le plus jeune a terminé sa croissance (19-25 ans), onze sont décédés
entre 25 et 50 ans (dont un par blessure), et dix au-delà de 50 ans (2
adultes).
Stature
Lignes
de Harris
Nous
avons recherché les lignes de Harris du premier métatarsien selon une méthode
radiographique personnelle (Mafart, 1989). la proportion de métatarsiens sans
lignes de Harris est de 23 % (6/26)
à Ganagobie et 16,5 % (25/152)
dans les autres séries, témoignant de la rareté des stress au cours de la
croissance.
DONNEES
PALEOPATHOLOGIQUES
Les
données paléopathologiques peuvent être regroupées en lésions congénitales
et de la croissance, traumatiques, infectieuses, dégénératives.
Pathologie
congénitale et de la croissance
Certaines
anomalies décrites (articulation coraco-claviculaire, bourrelet rétro-scapulaire)
n'ont qu'un intérêt anatomique.
La
découverte d'un nain (tombe 3) est intéressant au plan diagnostic mais aussi
pour sa signification socio-culturelle. Cet homme dimorphe avait obtenu dans la
société une place au moins normale. Nous en rapprocherons un autre cas, cette
fois très dysharmonieux (nain achondroplase) que nous avons découvert à
Saint-Pierre de l'Almanarre à Hyères, Var (XIII-XIV° s ?). Ce sujet de sexe féminin
était inhumé avec les moniales de l'Abbaye. On ne peut exclure que le nanisme,
forme d'exclusion sociale, ait pu conduit certains
à une orientation religieuse.
Pathologie
traumatique
Le
cas d’un blessé par arme est tout à fait exceptionnel. Seul le cas de l'Abbé
Ardouin à Saint-Victor de Marseille est comparable (Mafart, 1983). Il illustre,
avec cette blessure par arme de jet et ces 6 coups d'épée reçus, ce que la
tradition a conservé de la violence des combats individuels au Moyen âge.
Les
fractures osseuses sont plus banales et doivent être analysées selon leur
topographie et leur âge probable de survenue. Par rapport au nombre de sujet,
la proportion de fractures peut paraître élevée (12/25) alors que le taux est
13 % dans les autres populations médiévales. En réalité au moins 5 d'entre
elles sont des fractures de sujets âgés ostéoporotiques (clavicule, radius et
cubitus, et fracture double du fémur). Une double fracture tibio-péronière
est liée à une chute en torsion, une fracture isolée d'une phalange du pied
est sans signification étiologique particulière.
Seules
les fractures de côtes paraissent exceptionnellement fréquentes en particulier
quand elles concernent des sujets jeunes. Une fracture de 3 côtes correspond à
un même traumatisme, deux fractures sont isolées mais de topographie
inhabituelle (2°ou 3° côtes et arc postérieur), et une dernière dans la
tombe collective. Leur âge de survenue ne peut être déterminé, mais toutes
sont bien consolidées et certaines sont survenues chez des adultes décédés
avant 50 ans. Ces fractures de côte pourraient témoigner de fréquents chocs
directs reçus (métier des armes ?). Il faut en rapprocher une carpite
fusionnante qui pourrait avoir une origine traumatique.
Ainsi,
bien que fréquentes, les fractures observées sont pour une grande partie
d'entre elles seulement la conséquence de l'âge élevé d'une partie des
sujets inhumés. Les fractures de côtes peuvent être liées à des
traumatismes par arme.
Pathologie
infectieuse
La
pathologie infectieuse est représentée par un bloc vertébral dorsal, une
carpite fusionnante et, avec une part d'incertitude, par une calcification
ganglionnaire.
Le
diagnostic étiologique ne peut en aucun cas être affirmé. Cependant, il faut
constater que le diagnostic de tuberculose est évoqué fortement pour le bloc
vertébral et envisagé pour le ganglion cervical. L'endémie tuberculeuse
existait au Moyen âge et les conditions de contagion sont réunies dans les
collectivités fermées comme les abbayes mais nous ignorons la nature des liens
entre ces sujets inhumés et le site.
Pathologie
rhumatologique
Des
ostéonécroses multiples ont été retrouvées sur un squelette.
Une
maladie hyperostosique, d'actualité avec le concept d'enthésopathie, est présente
et n'avait ni conséquence clinique ni signification pathogénique.
Les
lésions arthosiques observées n'avaient aucune conséquence
nerveuse, ni aucun caractère majeur à l'exception d'un cas qui semblent
secondaire à des altérations osseuses.
CONCLUSION
A
côté des études de sites numériquement important comme Notre Dame du Bourg,
l'étude de nécropoles de plus faibles effectifs mais bien situées dans le
temps et dans le contexte archéologique conserve tout son intérêt.
Ainsi,
la prédominance masculine à Ganagobie procède certainement d'un choix. Un des
sujets était probablement un homme de guerre mort au combat. Un autre, bien que
nain, avait mérité par sa position sociale d'être inhumé en ces lieux. Un
grand nombre de ces hommes et de ces femmes mourraient âgés de plus de 50 ans.
Certaines fractures sont un témoignage indirect de ces âges avancés. Les
maladies infectieuses atteignaient certains d'entre eux et évoluaient jusqu'à
leur phase ultime de contrôle par l'organisme au prix de déformations
osseuses, de calcifications ou entraînaient le décès.
Ces quelques sujets ne nous permettent pas de conclure au plan statistique mais cette étude nous paraît illustrer l'intérêt d'une approche globale anthropologique et paléopathologique de ces nécropoles médiévales de faible effectif.