women Medieval times france
APPORT
DE L'ANTHROPOLOGIE POUR LA CONNAISSANCE DE LA FEMME AU MOYEN AGE EN PROVENCE
MAFART
B.Y. (1993).Apport de l’anthropologie pour la connaissance de la femme en
Provence
In
Kniebieler dir., Marseillaises, les femmes et la ville. Côté-femmes édit.,
Paris, p.14-20.
L'étude anthropologique et paléopathologique
des nécropoles médiévales provençales apporte des connaissances non
seulement morphologiques mais aussi socioculturelles sur la population féminine.
Il importe, à ce stade des recherches, de confronter ces données ostéologiques
aux informations apportées par les archives et documents. Nous serons ainsi
conduit autant à interroger les historiens qu'à leur apporter une contribution
originale par la méthode, à la connaissance des populations féminines médiévales
en Provence.
CARACTERISTIQUES
PHYSIQUES
Les grandes caractéristiques physiques (stature, dimensions et
proportions céphaliques et post-crâniennes) différaient peu de celles de nos
contemporaines car les variations observées sont minimes. Les études crâniologiques
montrent que les populations occupant la vallée du Rhône, la Provence et le
nord de l'Italie avaient sensiblement le même morphotype ce qui correspond aux
observations actuelles d'ailleurs.
La comparaison plus locale entre les marseillaises des V°-VI° siècles
inhumées auprès de l'Abbaye de Saint-Victor et les paysannes varoises de la région
de Brignoles (La Gayole X-XIII°s) permet de noter quelques différences
(ex:brachycéphalie et une stature plus faible à La Gayole). Ces variations
peuvent être interprétées soit comme la traduction d'une évolution dans le
temps soit plutôt comme l'expression d'une pression différente du milieu entre
deux structures socio-culturelles très différentes, la grande ville et la
campagne.
La morphologie du squelette post-crânien apporte plus d'informations sur
le mode de vie. Les os sont robustes avec des différences parfois nettes entre
Saint-Victor et La Gayole. Les insertions
musculaires sur les squelettes féminins sont plus développées à La Gayole.
Les contraintes bio-mécaniques fortes contribuant à modeler les os, ces
variations traduisent peut-être un mode de vie différent avec des activités
physiques plus importantes en milieu rural.
Les méthodes paléodémographiques font l'objet de contreverses
importantes qui obligent à considérer avec nuances les résultats obtenus, basées
sur des données de références historiques ou actuelles. Leur utilisation nécessite
de prendre en hypothèse une similarité de structure démographique. Enfin les
effectifs analysés sont de petite taille et des distorsions importantes peuvent
être dues à un trop faible échantillon. La confrontation de ces données aux
études des documents d'archives est capitale pour valider localement les méthodes
utilisées.
Les historiens ont un rôle de premier plan à jouer pour proposer des
structures démographiques basées sur d'autres sources et critiquer les résultats
paléodémographiques. Nous proposons donc des données qui, malgré leur caractère
plausible, doivent être considérées avec prudence.
Espérance de vie
L'espérance de vie, calculée à partir de l'âge dentaire et osseux des
enfants et de l'ossification des sutures endocrâniennes des adultes, était
d'environ 30 ans en raison d'une forte mortalité infantile. Ce risque était
compensé au niveau du groupe par un taux de fécondité élevé estimé à 4,9
enfants par femme pour le site de la Gayole au XI°-XIII° siècle.
Mortalité
féminine
Il est difficile pour des raisons méthodologiques de connaître avec précision
la mortalité différentielle homme/femme mais la surmortalité des femmes par décès
en couches est probablement un phénomène surestimé.
Les preuves archéologiques sont exceptionnelles (femme inhumée avec un
enfant in utero). Une
illustration de ces réalités est donnée par H.Mireur (1889) pour Marseille au
XIX° siècle. La mortalité au cours de l'accouchement et de ses suites n'est
que de 7 pour mille. Il n'est pas retrouvé d'avantage de surmortalité féminine
en période de fertilité alors que les conditions sanitaires de la ville sont
parmi les plus mauvaises d'Europe. Il était certainement plus dangereux pour
une femme au moyen âge de boire l'eau des puits, de côtoyer un parent
contagieux ou d'affronter un hiver rigoureux que d'accoucher.
La faible espérance de vie globale, coefficient mathématique très
influencée par la mortalité infantile, ne doit pas cacher le fait que les
femmes, passée l'enfance, pouvaient parvenir à un âge avancé. D'ailleurs, la
paléopathologie nous montre la présence de lésions arthrosiques évoluées et
de fractures ostéoporotiques de type sénile sur de nombreux squelettes de
femmes.
PATHOLOGIE
FEMININE
En dehors de la pathologie gynéco-obstétricale, de nombreuses
affections sont plus spécifiquement féminines car liées à des facteurs héréditaires,
nutritionnels et hormonaux.
Facteurs héréditaires :
la luxation de hanche
La luxation de hanche est une pathologie à caractère héréditaire plus
fréquente chez la femme. Actuellement sa fréquence a considérablement diminuée
et les foyers de Bretagne et du centre de la France n'ont plus le développement
qu'ils avaient au 19° siècle du fait du brassage génique et des migrations
vers les villes. Or il est remarquable de constater qu'il existe une plus grande
fréquence d'anomalie de l'articulation coxo-fémorale à type de coxarthrose
sur dysplasie de hanche à La Gayole dans une population rurale médiévale que
dans la ville paléochrétienne de Marseille. Ceci est en faveur du resserrement
des lien génétiques donc d'une endogamie relative à La Gayole. Le choix du
conjoint devait s'effectuer dans un cercle restreint avec une consanguinité
notable dans les campagnes médiévales en Provence comme cela se perpétuera
jusqu'au 19°siècle.
Facteurs
nutritionnels :le spina bifida
Certaines carences alimentaires de la mère ont des conséquences chez
l'enfant. Ainsi le spina bifida, anomalie de fermeture des vertèbres du sacrum,
est plus fréquent, dans sa forme majeure, chez les nouveau-nés lorsque la mère
a été carencée en acide folique avant et durant les premières semaines précédant
la grossesse.
Dans la population rurale de La Gayole, des spina bifida occulta, forme
mineures de la même anomalie, sont fréquentes. Les femmes vivant dans les
campagnes pouvaient connaître des périodes de disettes voire de famine. Une fréquence
moindre à Saint-Victor, bien que ces nécropoles ne soient pas contemporaines,
plaide pour une meilleure protection des citadins contre les fluctuations des
approvisionnements.
Facteurs
hormonaux :Les fractures ostéoporotiques
Nous avons montré, pour le moyen âge provençal, que la plupart des
fractures sont le fait d'une fragilité osseuse anormale. Les femmes sont
particulièrement concernées par ces lésions puisque l'ostéoporose post-ménopausique
les atteint dès 50 ans environ. Au moyen âge des fractures du col du fémur,
du poignet, du bassin et des vertèbres sont observées comme chez nos
contemporaines. En revanche, nous n'avons jamais observé de trace de coup porté
par une arme sur un squelette féminin médiéval !
CONCLUSION
Ainsi, une étude globale, anthropologique et paléopathologique, des nécropoles
apporte une vision fragmentaire mais originale de la femme au moyen âge en
Provence. Les éléments recueillis révèlent non seulement des faits
biologiques mais permettent d’approcher des faits sociologiques (consanguinité),
économiques (carences alimentaires), démographiques (espérance de vie, nombre
d’enfants par femmes). Une différence entre les villes (exogamie, meilleurs
apports alimentaires) et les campagnes (endogamie relative, carences) semble déjà
exister. Il importe de développer encore ces études de sites et de confronter
ces résultats aux données d'autres sources. L’étude de la nécropole de
Notre-Dame du Bourg y contribuera de façon déterminante.
Spina bifida occulta
(fermeture incomplète de l’arc postérieur du sacrum)
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